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Motion de l’ESTCA sur la LPPR

Université Paris 8

L’ESTCA – le laboratoire de cinĂ©ma de Paris 8 – dĂ©nonce l’hypocrisie de la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Sous prĂ©texte d’apporter des solutions Ă  des problèmes bien rĂ©els de l’universitĂ© qu’il prend mĂŞme la peine de nommer – le « recours Ă  des emplois prĂ©caires » dans « l’emploi scientifique », les « niveaux indemnitaires » peu valorisĂ©s de « l’ensemble des personnels de recherche », l’existence d’une « grande disparitĂ© » dans la « gestion des ressources humaines » selon « les organismes de recherche », etc. –, ce projet de loi aggraverait encore davantage les maux innombrables dont souffrent les Ă©tablissements d’enseignement supĂ©rieur et les laboratoires de recherche qui leur sont rattachĂ©s.

Nous affirmons que nous ne sommes pas dupes de ces faux-semblants. Par exemple, derrière l’idĂ©e proposĂ©e par la LPPR d’une « titularisation conditionnĂ©e » des postes Ă  l’universitĂ©, nous savons que ce sont les conditions de vie des chercheur.es qui basculeront dans une incertitude Ă  la fois existentielle et professionnelle. Derrière la multiplication des comitĂ©s d’Ă©valuation des enseignants-chercheur.es que dĂ©fend la LPPR, ce sont des moyens supplĂ©mentaires en vue du contrĂ´le de leurs activitĂ©s qui sont rĂ©clamĂ©s au dĂ©triment de la production scientifique et de son partage. Derrière la nĂ©cessitĂ© affichĂ©e de favoriser une gestion qui « [gagne] significativement en simplicitĂ©, agilitĂ© et vitesse », ce sont des manières de faire appartenant au monde du management qui sont importĂ©es Ă  l’intĂ©rieur de nos Ă©tablissements, avec toute la souffrance au travail que cette « gestion managĂ©riale » charrie et dont le caractère ruineux et inefficace n’est plus Ă  prouver.

Il ne suffit pas de dire que cette loi de programmation achève de transformer les universitĂ©s en entreprises (ce que nous vivons dĂ©jĂ  au quotidien depuis une bonne dizaine d’annĂ©es) ; il faudrait plutĂ´t avancer une Ă©vidence qu’elle a du mal Ă  cacher : Ă  savoir que derrière cette dĂ©bauche d’Ă©nergie lĂ©gislative et rĂ©glementaire, qui nous semble par ailleurs inapplicable dans les faits, transparaĂ®t la volontĂ© de contrarier une recherche libre et indĂ©pendante perçue – Ă  tort ou Ă  raison, et sans doute plus Ă  raison qu’Ă  tort – comme un contre-pouvoir Ă  l’arbitraire des pouvoirs en tout genre.

Nous, chercheur.es de l’ESTCA, refusons de devenir les experts de l’expertise acadĂ©mique et cessons dorĂ©navant toute activitĂ© d’Ă©valuation. Nous appelons Ă  participer massivement aux actions de mobilisation en cours, et Ă  mettre en Ĺ“uvre sans relâche des formes de lutte « attractives et innovantes ».

Le cinĂ©aste, Ă©crivain et thĂ©oricien des images italien Pier Paolo Pasolini dĂ©clarait en substance ceci : « Quand un gouvernement mĂ©prise Ă  ce point les forces intellectuelles de la nation, c’est que, fondamentalement, il en a peur ». Nous ne souhaitons pas faire peur Ă  nos gouvernants ; nous tenons Ă  rĂ©affirmer Ă  l’occasion de cette LPPR nuisible et ringarde que nous voulons travailler librement : c’est Ă  cette condition, et Ă  cette condition seulement, que la France pourra devenir Ă  nouveau « fière de sa culture, de sa science, de son humanisme » (p. 1 du rapport du Groupe de travail 2 de la LPPR sur « l’attractivitĂ© des emplois et des carrières scientifiques »).

Estca