Cette thématique part du principe selon lequel le cinéma ne se situe pas uniquement dans les films finis mais tout autant dans les processus de création allant de la conception à la diffusion : des processus vivants coïncidant avec une succession de métamorphoses et une herméneutique collective. Il s’agit donc d’interroger le verbe « faire » et le sens qu’il peut recouper dans la formule « faire » des films, « faire » le cinéma. Comment ce faire cinématographique est-il une praxis et une poièsis, un geste artistique et une technique ? Cherche-t-il une consignation la plus exacte possible du réel ou la production d’utopies ?
Au sein de ce thème, il convient non seulement d’étudier le film achevé mais aussi le scénario ou le projet écrit, la dramaturgie à l’œuvre, le tournage, « l’écriture en direct » tel que l’envisage le cinéma documentaire, les dispositifs expérimentaux, le montage, le mixage, l’étalonnage comme autant d’éléments essentiels. Nous abordons les mutations technologiques, économiques, esthétiques, politiques que traverse le cinéma dans ses formes plurielles, en prenant en compte les marges, les luttes, les nouvelles pratiques et d’autres formes de production d’images souvent impensées. De même doivent être étudiées les pratiques de production, de diffusion, d’édition, de programmation ou de restauration comme autant d’actes de création potentiels.
Il importe de soumettre des hypothèses, concepts, catĂ©gories et problèmes Ă l’épreuve du faire. Sont Ă©tudiĂ©s notamment les diffĂ©rents documents des cinĂ©astes, des techniciens, des acteurs, des producteurs, des diffuseurs, des restaurateurs, des programmateurs et autres crĂ©ateurs nous permettant en retour de redĂ©ployer ou repenser la pensĂ©e thĂ©orique et critique du cinĂ©ma. « Faire des films, faire le cinĂ©ma » n’est pas interrogĂ© uniquement du point de vue de l’analyse post factum mais Ă©galement Ă travers une pratique cinĂ©matographique. Il s’agit, dans ces recherches, d’Ă©viter tout dĂ©terminisme technique ou esthĂ©tique. Nous privilĂ©gions au contraire l’étude des appropriations crĂ©atrices des techniques, anciennes et contemporaines, dans la mesure oĂą ces transformations imposent qu’on s’empare des instruments voire mĂŞme qu’on en crĂ©e Ă partir de nouveaux usages.
En favorisant une approche transhistorique et ouverte des œuvres cinématographiques, nous tentons d’élaborer non pas une langue unique fédératrice mais une multiplicité de langues qui se nourriraient les unes les autres plutôt que de s’exclure. De celles qui pourraient naître (et naissent déjà ) entre ceux qui pratiquent et contribuent à la fabrication des films – techniciens, réalisateurs, scénaristes, acteurs, producteurs, diffuseurs, informaticiens, concepteurs, programmateurs, restaurateurs etc. – et ceux qui proposent une approche analytique, réflexive autour du cinéma – critiques, esthéticiens, historiens, économistes du cinéma etc. Nous tentons, par ces échanges, d’interroger les modalités de l’analyse filmique et de favoriser la circulation de la pensée entre le discours technique, le discours scientifique, le discours esthétique, le discours historique et bien d’autres encore en mettant au centre de notre réflexion le processus de création.