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Philippe Garrel, le temps incorporé

Colloque international les 29 et 30 novembre 2018

Appel Ă  communication jusqu’au 31 janvier 2018

Banc d’essai, l’émission produite par la seconde chaĂźne de l’Ortf destinĂ©e Ă  promouvoir la jeune crĂ©ation française, reçoit Philippe Garrel, le 27 mars 1967. Tenue mod, hauteur de ton, distance contradictoire, construisent « la distinction » qui sera le trait dominant du jeune cinĂ©aste pour les annĂ©es Ă  venir. Philippe Garrel, Ă  peine 18 ans, s’apprĂȘte Ă  crĂ©er une Ɠuvre dense et radicale. Évoluant dans les cercles de l’utopie collective que fut Mai 68, ses premiers films de tĂ©lĂ©vision et de cinĂ©ma reflĂštent avec acuitĂ© la sociĂ©tĂ© et la jeunesse des annĂ©es soixante : entre autres, Les Enfants dĂ©saccordĂ©s (1964), AnĂ©mone (1967), Marie pour MĂ©moire (1967). Il s’écarte de cette expĂ©rience commune, Ă  partir d’Actua 1 (1968) et affirme sa singularitĂ© Ă  travers des films oĂč la fable subversive se mĂȘle au portrait critique de tous les mouvements de la sociĂ©tĂ© contemporaine. FinancĂ©s en partie par le mĂ©cĂ©nat, Le rĂ©vĂ©lateur (1968), La concentration (1968) et Le Lit de la vierge (1969), sont rĂ©alisĂ©s depuis la constellation underground et Ă©rigent Philippe Garrel en figure de l’avant-garde française. Dans les annĂ©es soixante-dix, soulignant son retrait du monde, le cinĂ©aste vit une longue expĂ©rience intĂ©rieure avec Nico, sa compagne, ex-Ă©gĂ©rie warholienne. Dans ce dĂ©centrement, il conduit progressivement sa pratique vers une Ă©conomie de moyens et rĂ©vĂšle un art du portrait intime qui dialogue avec l’histoire de la peinture et du cinĂ©ma des premiers temps. La cicatrice intĂ©rieure (1970-71), Athanor (1972), Le Berceau de cristal (1975), Un ange passe (1974), Les Hautes solitudes (1974) sont un chant d’amour Ă  Nico et Ă  la beautĂ©. Le poĂ©tique et l’extase amoureuse s’imposent comme un dĂ©fi au politique.

DĂšs les annĂ©es quatre-vingt Philippe Garrel travaille la forme de son art Ă  partir de rĂ©Ă©critures qui puisent dans sa biographie et creusent les thĂšmes majeurs de son cinĂ©ma, notamment, le couple, les sentiments, la liaison et la dĂ©liaison, la parentalitĂ©, le suicide. L’enfant secret (1979-82), Ɠuvre-pivot, amorce cette nouvelle pĂ©riode et cristallise avec Elle a passĂ© tant d’heures sous les sunlights (1984) l’invention d’un rĂ©cit minimal et poĂ©tique oĂč le rĂ©el, la fiction et le rĂȘve se contaminent. Cette opĂ©ration se fonde sur une matĂ©rialitĂ© de l’image aux intensitĂ©s saisissantes : noir et blanc neigeux ou graphiques, subtil travail sur la couleur, avec des dĂ©veloppements de nuances de ton, des effets de contrastes ou de complĂ©mentaritĂ©s trĂšs marquĂ©s. Philippe Garrel renoue alors avec la direction d’acteurs, dont il dit aujourd’hui qu’elle constitue l’essentiel de son travail de cinĂ©aste. Puis il accorde une place nouvelle aux processus d’écriture des scĂ©narios avec Muriel Cerf, Arlette Langmann et Marc Cholodenko, plus rĂ©cemment avec sa partenaire Caroline Deruas, et façonne ses partitions musicales avec John Cale, Barney Wilen, Jean-Claude Vannier. Les collaborations avec Marc Cholodenko, auteur de MĂ©tamorphoses autobiographie d’un autre (1992), associĂ©es Ă  l’image de grands chefs opĂ©rateurs (W. Kurant, W. Lubtchansky, R. Coutard, J. Loiseleux, C. Champetier) marquent la filmographie de Philippe Garrel d’Ɠuvres majeures : Les Baisers de secours (1989), J’entends plus la guitare (1990), La Naissance de l’amour (1993), Les Amants rĂ©guliers (2005), Un Ă©tĂ© brĂ»lant (2010), La jalousie (2013).

En dĂ©pit des Ă©volutions, sous le dĂ©coupage en grandes pĂ©riodes esthĂ©tiques (revendiquĂ©es par Garrel lui-mĂȘme), la cohĂ©rence plastique et thĂ©matique de l’Ɠuvre, qui se poursuit aujourd’hui, est remarquable. Mais c’est Ă©galement depuis ses tracĂ©s fragiles et dispersĂ©s, ses retours sur elle-mĂȘme, qu’elle pose question et que nous souhaitons donc l’interroger. L’Ɠuvre de Garrel rencontre et traverse diffĂ©rentes Ă©poques qu’elle reprĂ©sente tout en leur rĂ©sistant. Appartenant dĂ©jĂ  Ă  l’histoire du cinĂ©ma, elle reste Ă©minemment actuelle : Philippe Garrel ou le temps incorporĂ©. Si en novembre 2015, Le MusĂ©e National d’Art Moderne et Contemporain de SĂ©oul inaugurait une rĂ©trospective et une exposition : « Philippe Garrel, a dazzling despair » [5 nov. 2015 – 28 fĂ©v. 2016], si les programmations et commentaires des films se multiplient aux États-Unis ou en Europe, il faut noter une certaine discrĂ©tion du monde de la recherche universitaire française Ă  l’égard de cette Ɠuvre. Il convient cependant de mentionner le premier colloque sur Garrel qui s’est tenu Ă  Dublin en juin 2001, Ă  l’initiative de Fergus Daly : « Garrel Ă©ternel ». Il est important aussi de mentionner la journĂ©e d’étude « Philippe Garrel, l’expĂ©rience intĂ©rieure/extĂ©rieure » le 8 novembre 2017 Ă  Grenoble, organisĂ©e par Robert Bonamy et Didier Coureau. À l’occasion des soixante-dix ans de Philippe Garrel, ce premier colloque international en France propose de faire un Ă©tat de l’art sur l’ensemble du parcours et de la filmographie du cinĂ©aste, et souhaite apporter de nouveaux Ă©clairages sur cette Ɠuvre exigeante, qui reste en partie « hors saisie ».

Toutes les approches mĂ©thodologiques pourront ĂȘtre concernĂ©es, avec un intĂ©rĂȘt marquĂ© pour les Ă©tudes pluridisciplinaires capables de rendre compte de diffĂ©rentes dimensions de l’Ɠuvre. On pourra, en particulier, mener une rĂ©flexion Ă  partir des axes suivants, qui restent volontairement ouverts :

– L’expĂ©rience mĂ©diatique et l’origine de l’Ɠuvre
– Philippe Garrel et l’histoire politique
– L’expĂ©rience des limites et les horizons transgressifs de Mai 68
– RĂ©ception critique
– Ecritures et rĂ©Ă©critures
– Dramaturgie et tension dialectique
– MatiĂšre, lumiĂšre, figure
– Parole, voix et composition sonore
– PoĂ©tique de la couleur
– Le paradigme pictural
– ConjugalitĂ© et parentalitĂ©

Philippe Garrel, le temps incorporé

Colloque international

Les 29 et 30 septembre 2018

Comité scientifique :
Fabien Boully (Université Paris Nanterre)
Nicole Brenez (Université Paris 3, Fémis)
Fergus Daly (Critique indépendant)
Valérie Jottreau (Université Paris 8)
Adrian Martin (Monash University)
Dork Zabunyan (Université Paris 8)

Colloque organisé par :
Fabien Boully (Université Paris Nanterre / UFR PHILLIA / HAR) et Valérie Jottreau (Université Paris 8 / ESTCA)

Propositions de 700 signes maximum, accompagnĂ©es d’une courte notice bio-bibliographique.
Date limite pour l’envoi des communications : 31 janvier 2018
À envoyer à : ValĂ©rie Jottreau et Fabien Boully

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