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SÉANCE-SIGNATURE
« MA L’AMORE MIO NON MUORE » DE MARIO CASERINI + « LE CINÉMA MUET ITALIEN À LA CROISÉE DES ARTS » DE CÉLINE GAILLEURD  

Le vendredi 27 janvier, Céline Gailleurd sera à la fondation Jérôme Seydoux-Pathé pour présenter le film Ma l’amore mio non muore de Mario Caserini (1913, 1h20), en ciné-concert (accompagné par les pianistes issus de la classe d’improvisation de Jean-François Zygel CNSMDP).

La séance sera suivie de la signature au Studio de son ouvrage Le Cinéma muet italien à la croisée des arts (éd. Artec et Les Presses du réel, 2022).

Antonio Gramsci voyait dans le jeu de la diva Lyda Borelli l’invention d’une nouvelle gestualité dont l’expressivité marquait l’apparition d’un cinéma, reposant entièrement sur le corps des femmes : « In principio era il sesso [1]» écrivait-il alors. Louis Delluc, quelques années plus tard, déclarait à propos des actrices italiennes « La chair est photogénique. Les Italiens l’ont compris avant tout autres » Avec l’arrivée des films de dive qui se développent en Italie à partir de 1913, les acteurs – et actrices surtout – s’élèvent progressivement au rang de stars. Ma l’amor mio non muore (Mais mon amour ne meurt pas! , Mario Caserini, 1913), s’impose comme l’un des titres les plus célèbres de ce nouveau genre cinématographique : le mélodrame. Il lance le coup d’envoi. Lyda Borelli y interprète une chanteuse lyrique follement amoureuse d’un Prince qu’elle ne peut épouser parce qu’elle est une artiste et lui un homme de l’aristocratie. A la fin du film, alors qu’elle interprète sur scène La Dame aux Camélias devant l’homme qu’elle aime, enfin venu la retrouver et qui la regarde depuis les loges, elle absorbe du poison. Les fils qui dirigeaient ses mouvements semblent s’être cassés : comme une marionnette, elle s’écroule sur « les planches poussiéreuses du monde[2]», et meurt dans cette posture d’offrande, en assurant au Prince Massimiliano de son amour éternel : « Mon amour à moi ne meurt pas ! ».

Ma l’amor mio non muore muore est exemplaire de la manière dont le cinéma muet italien entretiendra, sur plusieurs décennies, un dialogue constant avec les autres arts et puisera son essence dans les œuvres les plus en vogue de la peinture, des arts décoratifs, de la littérature, du théâtre et de l’opéra des XIXe et XXe siècles. Ainsi, l’ouvrage dirigé par Céline Gailleurd Le cinéma muet italien à la croisée des arts (ArTeC – Éditions les presses du réel, 2022) traduit en italien sous le titre L’oro di Atlantide. Il cinema muto italiano e le arti (Edizioni Kaplan), plonge au cœur de ce qui fonde l’esthétique du cinéma muet italien dans le rapport intrinsèque qu’il entretient avec les autres arts. Danse, théâtre, opéra, littérature, arts figuratifs : le cinéma s’invente aussi bien à partir des grandes œuvres classiques que celles les plus en vogue circulant à travers des médias alors en pleine expansion. Des premières vues documentaires, immortalisant les paysages et monuments italiens, aux péplums monumentaux, en passant par les mélodrames qui révélèrent les premières stars, ou encore les adaptations littéraires de la Film d’Arte Italiana, le cinéma naît avec cette faculté à absorber, revisiter et transformer une multitude de formes et de disciplines artistiques. L’ensemble des textes sont traversés par une forte volonté d’insister sur la portée innovante du septième art dans sa capacité de réemploi.

Céline Gailleurd

[1] A. Gramsci, « In principio era il sesso… » [« Et au début fut le sexe… »], Cronache teatrali dall’« Avanti! », 1916-1920, in A. Gramsci, Letteratura e vita nazionale, Torino, Einaudi, 1950, pp. 271-273.

[2] M. Praz, Goût néoclassique, trad. de l’italien par C. Thompson Pasquali, Paris, le Promeneur, 1989, p. 400.

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