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La rhétorique filmée dans le cinéma (1927 – 1960)

Colloque international, les 6 et 7 juin 2019 à Paris

Appel à communication jusqu’au 15 décembre 2018

Les débats, discours, joutes oratoires et autres prises de parole publiques sont des moments clefs de la construction du récit filmique. Dans les films, les allocutions publiques font l’objet de diverses mises en scène présentant les mots comme force et forme de persuasion. Le cinéma parlant, comme le théâtre, donne à voir autant qu’à entendre la puissance du langage par des hommes qui en sont les dépositaires. À mettre en image les mots de celui qui argumente, les films retrouvent cet art ancien qu’est l’art de convaincre. Ils instituent des correspondances entre la dimension textuelle de la rhétorique et l’image qu’elle évoque. L’objet est donc double : une rhétorique filmée, c’est à la fois une rhétorique qu’on filme, image dans l’image et le film comme rhétorique.

Il s’agit de se demander, si par-delà les énoncés et les arguments filmés, les plaidoyers ne valent pas aussi bien pour l’acte même d’exposer dans le film une parole, selon une certaine mise en scène de l’elocutio. Nous interrogerons alors l’impact des usages et des effets issus d’une culture de l’éloquence, à la fois dans l’image de celui qui parle, et dans le trajet qui mène à ceux qui reçoivent cette parole.

Le croisement de l’analyse rhétorique – c’est-à-dire l’étude des éléments textuels et gestuels de déclamation, et leur mise en espace – et de l’analyse filmique permet d’interroger cinématographiquement & théâtralement le passage d’une prise de parole filmée à ce qui constituerait un acte de parole du film. Les pratiques et mémoires de gestes rhétoriques s’observent au prisme de différentes circulations. Il s’agira alors d’étudier celles qui se manifestentà la fois entre les différents arts (principalement le théâtre et cinéma), mais également entre les arts et les pratiques politiques et juridiques.

Il existe une longue et vaste tradition, théâtrale d’abord, cinématographique ensuite, de représentation de ces personnages-tribuns. Ainsi, dès 1911, Lucien Guitry incarne Le Tribun d’Émile Fabre. À la suite des expérimentations naturalistes du XIXème siècle, un théâtre à vocation populaire et patriotique se met en place, notamment dans les différents « théâtres du peuple » européens (Volkstheater à Vienne, Schiller Theater à Berlin, Théâtre du Peuple de Bussang). Cette tradition d’un théâtre du peuple, à la fois patriotique et réaliste, a pu influencer le théâtre et le cinéma américain et leur représentation de la rhétorique, tandis que, au même moment, la tournée de Stanislavski aux États-Unis inspirait un nouveau type de jeu chez les comédien-ne-s américain-e-s, notamment sous l’influence du Group Theatre.

Dans les films, les personnages-tribuns, devenus ‘héros-orateurs’ ont très souvent fait l’objet de scènes de procès, qui est un genre où s’est illustré entre autre le cinéma américain, le cinéma français et le cinéma allemand. Les lieux de l’assemblée, du tribunal, de l’agora ou du forum ont permis d’analyser les images du délibératif, du judiciaire et de l’épidictique. L’élargissement de ces scènes et de ces gestes à celles d’autres sites, d’autres personnes et d’autresgestes diffuse et déplace la référence à la tribune, à comprendre comme «l’axe verbal qui est proposé par le discours rhétorique d’un orateur». À travers les allocutions de personnages variés, de registres ou de moments inattendus (Anybody’s Woman, Dorothy Azner ; Notre pain quotidien, King Vidor), la rhétorique reproduit des codes d’adresse alors même qu’elle s’extrait d’un cadre juridique. À déborder ainsi des genres qui lui sont traditionnellement attachés, la rhétorique filmée dynamiserait le rapport entre cinéma, théâtre et éloquence, depuis les débuts du parlant jusqu’à ce que le medium télévisuel n’ait en partie modifié les conditions d’exercice de la parole filmée.

Les formes que la rhétorique filmée met en mouvement sont à rapprocher de leurs histoires politiques et culturelles, des héritages et des influences. En d’autres termes, la construction esthétique d’un ‘orateur-héros’, rhéteur au sein d’une sphère inhabituelle, sert souvent un propos populaire. Etudier la mise en image de ces porte-paroles, qu’ils soient ou non des hommes issus du peuple, et que leurs discours soient ou non destinés au plus grand nombre, conduit inexorablement le film à renseigner l’environnement dans lequel s’inscrit la fiction.

Le colloque s’intéressera enfin aux ambiguïtés voire aux limites que pose l’analyse de la rhétorique filmée. Le caractère populaire de ces prises de parole décline en différents profils de tribuns l’expression de la démocratie. Les questions de responsabilités ou de partage transparaissent alors de manière directe (Juarez, Dieterle 1938 ; Young Mister Lincoln, Ford 1939 ; Mr. Smith goes to Washington, Capra 1939) et indirecte (Fury, Lang 1936 ; Madame Curie, LeRoy 1943) au bénéfice d’une attention ou d’une critique envers les principes démocratiques et des institutions (personnes morales et physiques) censées les incarner. Pourtant, la maîtrise des codes rhétoriques n’est réservée qu’à une minorité d’hommes. Faire voir la rhétorique, c’est rendre visible le performatif et l’influence des mots, selon des pratiques oratoires que seuls quelquetribuns détiennent et dont les effets varient sensiblement selon leurs usages. Ce constat n’est pas sans actualiser l’horizon de possibles questionnements : quelles seraient les nouvelles tribunes, celles qui configurent similairement la puissance d’une parole en image, issue de ce que nous tâchons de nommer la rhétorique filmée.

La rhétorique filmée dans le cinéma (1927 – 1960)      Etats-Unis, France, Allemagne

Colloque international

Les 6 et 7 juin 2019 à Paris

Comité organisateur :

Mathias Lavin (MCF, P8)
Jennifer Verraes (MCF, P8)
Claire Demoulin (Doctorante EDESTA, P8)
Guillaume Cot (Doctorant EDESTA, P8)

Comité scientifique :

Christian Biet (PR, Paris-X)
Teresa Castro (MCF, Paris3)
Martin Goutte (MCF, Paris 3)
Christian Kirchmeier (MCF, Munich)
Martial Poirson (PR, Paris 8)
Guillaume Soulez (PR, Paris 3)

Les propositions de communication (500 mots max., en français ou en anglais) ainsi qu’une brève biographie sont à adresser par e-mail aux co-organisateurs avant le 15 décembre 2018 : rhetoriquefilmee@gmail.com

Télécharger l’appel en version pdf (fr/eng)

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